Un goût de bisuit au gingembre : (L'architecte du désastre)
Editeur : Estuaire
Xavier Hanotte et Claude Renard étaient faits pour se rencontrer, mieux pour travailler ensemble, enfin si l'on peut dire que ces deux-là, quand ils entrent en création, travaillent ! L'impression qu'ils donnent est plutôt qu'ils tirent de cette expérience particulière, qui consiste à créer, un plaisir supérieur. Il faut les entendre échanger - avec quelle ferveur ! - propos, anecdotes et connaissances, le tout mâtiné - bien sûr - de quelques doutes, à l'heure de mettre en commun leurs talents, dans la perspective de réaliser un Carnet Littéraire. Il faut les voir fouiller fébrilement la documentation de l'un, se pencher fiévreusement sur les croquis de l'autre. Surtout, il faudrait avoir le temps de les suivre sur les lieux de l'histoire de l'un (Steenstraete, Zuydschoote et Ypres) pour que puissent naître de la mine de plomb de l'autre les décors et ses ambiances précises. Oui, il faudrait pouvoir ne rien perdre de leur intense complicité qu'émulsionnent à souhait l'évocation d'une lecture, la vision d'une image parfaite, la célébration de l'avancement de leur projet. L'histoire de leur Carnet est singulière. Xavier Hanotte a été parmi les premiers auteurs sollicités alors même que les CL n'en étaient qu'à la phase embryonnaire. Bien sûr, l'écrivain est monté dans le bateau sans attendre de voir s'il flotterait, précédé par l'homme, généreux et fidèle. De ce premier contact est né un texte, magnifique : Passé le pont. Ce texte, Hanotte l'a écrit avec le secret espoir que Jacques Tardi le mette en images. Mais voilà, c'était sans compter qu'au cœur de leur obsession commune : la première guerre mondiale, ils s'étaient chacun trouvé une tranchée bien à eux : les soldats anglais pour Xavier Hanotte et les français pour Tardi. Les deux hommes ne se connaissaient pas, tous deux avaient des projets en chantier et en mémoire pour au moins trois décennies. Et Passé le pont fut publié dans le recueil L'Architecte du désastre, titre éponyme du court roman qui l'ouvre. Ce livre, Xavier Hanotte nous l'envoya avec en guise de dédicace les traces discrètes d'un regret. C'était la veille d'un départ en vacances. Les éditeurs n'échappent pas à l'habitude d'emporter dans leurs bagages de quoi lire pour au moins une vie entière. L'architecte... fut du voyage. Didier Platteau fut le premier à le lire. Comme souvent les lecteurs, il commença par la première histoire : L'architecte du désastre. Ce personnage ne devait plus le lâcher. Il en parlait à l'apéritif, autour de la piscine, en randonnée... Histoire de ne pas vivre idiots autour de lui, tous autant que nous étions (moi-même et une giclée d'amis) dans la maison de location quelque part dans les Alpes de Haute-Provence, nous lûmes ce court roman avec un égal enthousiasme mesurant ce que Eberhard portait en lui de possibilités romanesques et... iconographiques. Didier a téléphoné à Xavier. Xavier a parlé de Claude. Et Claude a dit oui. Ils ont discuté des heures de la manière de travailler ensemble, à détailler la psychologie, les antécédents des personnages. Entre-temps, ils sont devenus amis et envisagent de poursuivre l'entreprise en donnant une suite à cet Architecte, devenu chez Estuaire Un goût de biscuit au gingembre, pour ne pas semer la confusion chez les libraires et parce que le texte publié par Belfond a connu d'infimes modifications et s'est trouvé augmenté d'un épilogue ainsi que des dessins de Claude Renard. Entre-temps aussi, nous avons conclu avec Jacques Tardi (et Tonino Benacquista) pour un Carnet, le 16e de la collection. Et surtout, Jacques Tardi a lu et aimé la nouvelle Passé le pont. Pour le moment, cela suffit au bonheur de Xavier Hanotte. Régine Vandamme