Souci du monde et appels de Dieu
À 10 ans, au lycée Montaigne de Bordeaux, Claude Dagens voulait devenir professeur d'histoire. Quinze ans plus tard, dans ce même lycée, il enseignait Phèdre à ses élèves de seconde, après avoir été lui-même élève de l'École normale supérieure et après avoir passé une agrégation de lettres classiques.
Peu après, à l'École française de Rome, il allait être repris par l'histoire et fasciné par l'action de Dieu dans l'histoire, durant l'Antiquité tardive, de saint Pierre à saint Grégoire le Grand. Cet homme a été appelé par Dieu à devenir prêtre dans une période de crise intense dans la société française et dans l'Église, en 1970. Il a exercé son ministère à Bordeaux, durant quinze ans.
En 1987, il a été choisi comme évêque par le pape Jean-Paul II et envoyé à Poitiers, puis à Angoulême, en Charente, dans le pays de François Mitterrand dont il a célébré les obsèques à Jarnac. En 2008, à sa grande surprise, il a été élu à l'Académie française pour succéder à l'historien René Rémond : à la suite du Père Ambroise-Marie Carré, il est devenu comme un aumônier pour les membres de cette assemblée.
Tout en demeurant le pasteur du diocèse d'Angoulême, il participe chaque semaine aux travaux de l'Académie française, attentif aux personnes qu'il y rencontre et qu'il y découvre, d'Hélène Carrère d'Encausse à Alain Decaux et Jean d'Ormesson, et de Florence Delay à Érik Orsenna, à Michel Serres et à Frédéric Vitoux.
Ce livre n'a pourtant pas du tout l'allure d'une biographie. L'heure n'en est pas venue. Il est le fruit d'une rencontre et d'une amitié avec Jean-Marie Guénois, journaliste au Figaro. Entre 2009 et 2011, au cours de 23 entretiens, Claude Dagens ne raconte pas sa vie. Il parle de ses parents, qui n'avaient que le certificat d'études, de la formation reçue à Paris et à Rome, à travers le groupe " tala " de la rue d'Ulm et en parcourant les catacombes de l'époque paléochrétienne.
Il évoque surtout ses combats actuels d'évêque qui ne se résigne pas à cette opposition prétendue insurmontable entre la tradition chrétienne et la tradition laïque. Il parle de ces questions profondes de vie et de mort que posent souvent des jeunes incertains devant l'avenir. Il insiste sur le paradoxe qui caractérise la mission de l'Église catholique en France, et ailleurs qu'en France, durant ces premières années du XXIe siècle : dans l'affaiblissement des institutions catholiques se dessinent, comme en creux, les lignes d'une force d'une renaissance spirituelle, que beaucoup refusent de voir.
" Souci du monde et appels de Dieu " : ces mots ne désignent pas un écartèlement, mais la conscience d'un combat à mener dans des conditions relativement nouvelles, qui exigent des chrétiens qu'ils vivent en chrétiens, en croyant, en aimant, en espérant, là où la foi, l'amour fraternel et l'espérance en Dieu sont difficiles. Chemin faisant, Claude Dagens répond aux questions à travers lesquelles Jean-Marie Guénois l'oblige à se livrer davantage, en s'expliquant non seulement sur son titre d'académicien " immortel ", mais surtout sur ses luttes, sur sa solitude, sur l'exercice de sa charge d'évêque, sur les liens complexes entre l'identité nationale et l'identité catholique en France.