L'ami barbare
L'Ami barbare est un roman qui embrasse toute la seconde moitié du XXe siècle.
Roman Dragomir (1930-2001), personnage principal du livre, traverse en effet la guerre et l'exil, Mai 68 et le Printemps de Prague, les révolutions manquées, puis réussies, la chute du communisme et le démantèlement de sa terre natale - autrement dit, c'est notre histoire à tous depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ! Mais qui est Roman Dragomir ?
Dans ce roman polyphonique, sept personnages, qui ont connu et aimé Dragomir, viennent se recueillir une dernière fois autour de sa dépouille. À tour de rôle, comme à la barre d'un tribunal, ils témoignent de cette vie dangereuse, ambiguë, déchirée, qui est un vrai roman d'aventures. 1) Il y a d'abord son frère cadet resté au pays, Milan, qui raconte leur enfance belgradoise, les années heureuses, puis la guerre et les bombardements, l'occupation nazie et le triomphe de Tito, la passion du football et les désirs d'évasion de Roman qui cherche toujours à fuir le communisme.
2) Le deuxième personnage à prendre la parole est une libraire juive de Trieste, Johanna Holzmann, qui accueille Roman lorsqu'il parvient à s'échapper de son pays, en 1954. Elle lui fera découvrir sa ville, « Trieste à la grâce ombrageuse », qui est la ville d'Umberto Saba, James Joyce et Italo Svevo, entre autres, et les trésors inestimables de sa librairie.
3) Obligé de fuir l'Italie, Roman trouvera refuge en Suisse, à Granges, petite ville horlogère du Jura, où il sera d'abord garçon de café, cordonnier, puis joueur de football, avec son camarade Georges Halter, qui raconte ses années de bohème. 4) C'est son vieux complice Christophe Morel qui parle ici : installé à Lausanne, Roman Dragomir décide de se lancer dans l'édition. Pour cela, Roman devient un colporteur de livres, un agitateur d'idées, un homme sans cesse à la recherche du manuscrit introuvable. Passant le rideau de fer, il va chercher en Pologne un roman qui assurera son succès : Slaves dénonce l'arbitraire du régime soviétique et les camps de rééducation ; puis un autre roman, L'Esprit malin qui détaille les rouages de la machine communiste. L'Occident est ravi : Roman connaît la gloire et la fortune.
5) Tout se délite au moment de la chute du Mur de Berlin (1989). La maison communiste s'effondre. Commence alors une série de guerres dans les Balkans et Dragomir choisit le mauvais camp. D'un jour à l'autre, il est traité par ceux qui l'adulaient comme un pestiféré. Il ne croit pas un mot de ce que disent les journaux occidentaux sur son pays. Pour avoir le coeur net, il décide d'aller voir ce qui se passe là-bas. Ce qu'il découvre, dans sa patrie en ruine, est pire que tout ce qu'il avait imaginé. Une femme au visage voilé, qui a connu et aimé Dragomir à cette époque, raconte cet épisode dramatique. 6) Victime d'un grave accident de voiture, Dragomir est en convalescence dans une clinique des bords du lac Léman. C'est là qu'il rencontre Pierre Michel, un écrivain en mal d'inspiration, qui va l'écouter et lui servir de scribe. Michel racontera par le détail les dernières années de Dragomir, ses espérances et ses combats.
7) Une jeune femme, enfin, vient se recueillir devant le corps de Dragomir. C'est Véronique Donnadieu, une paysanne du Vaucluse, qui ne connaît pas Dragomir, mais se trouve au mauvais endroit au mauvais moment, quand celui-ci débouche d'un virage avec sa camionnette. C'est elle qui l'a tué, sans le vouloir, et qui va recueillir ses dernières paroles. Chaque témoin, à sa manière, raconte son Roman... À travers cette vie aventureuse, c'est le monde du livre sous toutes ses facettes que l'on célèbre ici : l'écriture, l'édition, le destin de certains livres inoubliables, les librairies (ces refuges contre la folie du monde), les bibliothèques...
L'Ami barbare n'est pas seulement le portrait d'un homme hors du commun, mais aussi un hymne à la liberté et aux pouvoirs magiques de la littérature.