Les Mémoires d'Hadrien, 2e partie (coffret 3 cassettes)
Editeur : Livraphone
Ils m'ont emmené à Baïes. Par ces chaleurs de juillet, le trajet a été pénible, mais je respire mieux au bord de la mer. La vague fait sur le rivage son murmure de soie froissée et de caresse; je jouis encore des longs soirs roses. Mais je ne tiens plus ces tablettes que pour occuper mes mains, qui s'agitent malgré moi. J'ai envoyé chercher Antonin; un courrier lancé à fond de train est parti pour Rome. Bruit des sabots de Borysthènes, galop du cavalier Thrace. Le petit groupe des intimes se presse à mon chevet. Chabrias me fait pitié, les larmes conviennent mal aux rides des vieillards. Le beau visage de Céler est comme toujours étrangement calme, il s'applique à me soigner sans rien laisser voir de ce qui pourrait ajouter à l'inquiétude ou à la fatigue d'un malade. Mais Diotime sanglote, la tête enfouie dans les coussins. J'ai assuré son avenir : il n'aime pas l'Italie ; il pourra réaliser son rêve, qui est de retourner à Gadara et d'y ouvrir avec un ami une école d'éloquence, il n'a rien à perdre à ma mort. Et pourtant, la mince épaule s'agite convulsivement sous les plis de la tunique ; je sens sous mes doigts des pleurs délicieux. Hadrien jusqu'au bout aura été humainement aimé.
Petite âme, âme tendre et flottante, compagne de mon corps, qui fût ton hôte, tu vas descendre dans ces lieux pâles, durs et nus, où tu devras renoncer aux jeux d'autrefois. Un instant encore, regardons ensemble ces rives familières, les objets que sans doute nous ne reverrons plus... Tâchons d'entrer dans la mort les yeux ouverts. - Extrait des "Mémoires d'Hadrien", interprété par Jean-Claude Rey et Jean-Marie Fonbonne.