Méfiez-vous des enfants sages

Auteur : Cécile Coulon
Editeur : Viviane Hamy

Elle vivait dans une petite ville du Sud, le genre d'endroit où les filles étaient mères avant d'avoir leur permis de conduire. C'était un assemblage de ruelles désertes, mélange de planches et de goudron. Quand un gamin partait à l'école le matin, sa mère disait toujours « Dieu te garde » avant de rejoindre son amant, quelques rues plus loin. […] Au fil du temps, un certain nombre de jeunes entrepreneurs ambitieux avaient ouvert des magasins en centre-ville : jeux électroniques, vêtements à strass, les troupes d'adolescents venaient fouiner le samedi après-midi pour dénicher la perle rare. C’était ça. Entre les céréales, les gosses et le bowling, chacun cherchait sa voie, peu la trouvaient réellement, beaucoup faisaient semblant.

Elle n'avait jamais découvert la sienne. Comme tous les autres, elle avait testé les manèges des forains pendant des années, elle avait payé son ticket, avalé des litres de sodas sans bulles dans de grands verres en carton. Mais rien n'avait changé. Elle le savait, ceux qui vivaient avec elle le savaient aussi, mais elle ne disait rien. C'était « une femme bien ». C’est comme ça qu’on parlait d'elle. Quand on parlait d'elle.

Méfiez-vous des enfants sages, c’est l'Ouest, celui des États-Unis dans les années soixante-dix. Des effluves littéraires et cinématographiques l'imprègnent : Carson McCullers – Le coeur est un chasseur solitaire –, Flannery O’Connor, ou encore le film de Robert Mulligan Du silence et des ombres, tiré de l'unique roman de Harper Lee, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur…

Cécile Coulon connaît-elle les États-Unis ? Non, elle n'y est jamais allée. Ses lectures, les films qu'elle a vus, la musique et son imaginaire lui ont fourni les éléments impalpables qui font sentir la moiteur de la peau, la lenteur du temps, l'immuabilité de l'espace. Là, dans ce trou qui semble avoir été oublié par l’Histoire, où l'individu est écrasé par le regard des autres, la petite Lua se balade, observe et rencontre des individus hors du commun. Cécile esquisse leurs silhouettes pour en faire des personnages inoubliables, décalés, paumés, vibrant de présence : sa mère qui venait de perdre son bien le plus précieux : le bonheur des choses simples ; Son père et ses araignées de laboratoire, et puis Eddy, un type complètement déjanté arborant sa casquette Alice Cooper et ses côtes d’ex-héroïnomane ; et Kristina : Mme McKenzie, la voisine, venait juste de sortir ses trois sacs-poubelle soigneusement fermés par des noeuds à deux boucles en forme de fleur quand elle vit la créature passer devant chez elle, la tête haute, les épaules en arrière, un sourire de statue sur son visage bronzé. Une bombe, comme dans Penthouse, en plus habillée, et moins siliconée. Une déesse, collants léopard et cheveux de soie lâchés sur la nuque.

16,50 €
Parution : Août 2010
112 pages
ISBN : 978-2-8785-8332-8
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