Je dénonce l'humanité
Je dénonce l'humanité rassemble quarante nouvelles - écrites entre 1912 et 1934 -, de Frigyes Karinthy, le père de tous les humoristes hongrois du XXe siècle, celui qui énonça haut et fort : « Je ne plaisante jamais avec l'humour. » Après la réédition de Voyage autour de mon crâne (1990 puis 2008 en collection b I s), les éditions V.H. ont plongé dans les trésors d'une oeuvre très peu connue en France, ont fait traduire de nombreuses nouvelles et saynètes puis ont sélectionné celles qui constituent le recueil Je dénonce l'humanité, inédit en français, mais également en hongrois. Ces « sketchs » touchent toujours au plus juste par les thèmes qu'ils abordent : la « petitesse » de l'être humain confronté à la « grandeur » de l'administration, les préoccupations quotidiennes et mesquines de tout un chacun comparées aux inquiétudes existentielles et métaphysiques de l'« Homme », les paradoxes du quotidien. Leur impressionnante modernité résonne très fort dans notre XXIe siècle ; d'une certaine façon, elle nous rassure en nous rappelant que la dimension absurde de l'existence humaine fut et sera de toute éternité, elle nous fait éclater d'un rire salubre et démineur d'inquiétudes de tous ordres, elle nous réconcilie avec nous-mêmes. Je dénonce, nous délecte par la connivence qui s'installe entre nous et un père de famille qui essaie d'aider son fils à résoudre un problème de mathématiques. Au détour d'une histoire, il nous apprend à chanter pour se donner du courage et de la vigueur pour... jouer aux échecs. L'absurde des situations et l'ironie du sort sont exacerbés dans L'important c'est la discrétion : un individu se vante auprès d'un autre d'être l'homme le plus discret du monde... mais a-t-il bien choisi la personne à qui il confie le secret de sa discrétion exemplaire ? Les portraits acerbes et hilarants se succèdent sans se ressembler : un détective tire des conclusions hâtives, un homme se demande si sa femme ne le trompe pas... Karinthy magnifie le banal en proposant des tableaux où la chute n'est jamais celle que l'on attend, avec un humour corrosif que l'on pourrait rapprocher de celui du Dictateur de Charlie Chaplin et, plus proche de nous, de celui de Pierre Desproges.