Et je prendrai tout ce qu'il y a à prendre

Auteur : Céline Lapertot
Editeur : Viviane Hamy

Imaginez l'histoire d'une violence. Celle que fait subir un père à sa fille. Celle, honteuse, intime, et qui ne peut se dire ou qu'on ne veut pas entendre... Et je prendrai tout ce qu'il y a à prendre est l'explication du silence dans lequel Charlotte s'est enfermée lorsqu'elle avait sept ans. C'est la jeune fille de dix-sept ans qui révèle, enfin, le secret de son enfance. Elle y consent parce qu'elle a tué et qu'elle doit témoigner. C'est une sorte de lettre ouverte - rédigée dans une salle d'attente du tribunal - adressée à son juge. Elle raconte : malgré les apparences, elle n'a pas « craqué ». Au contraire, elle revendique son acte, en assume la responsabilité, parce qu'elle a compris - dans la seconde même où elle a saisi le couteau - qu'elle ne pouvait que tuer, qu'elle n'avait pas d'autre choix après avoir subi sans broncher les sévices que son père lui a infligés au cours des dix dernières années. Elle a ainsi mis le point final à son calvaire, elle a accédé à sa liberté d'être humain répondant de ses actes. Mais, dans le même temps, cet acte primitif et sauvage en fait une meurtrière qui doit se soumettre à la Justice des hommes. Après s'être tue pendant si longtemps, comment s'exprimer, comment trouver les mots pour faire comprendre l'inavouable, l'innommable ? Charlotte a décidé que ce ne sera pas par le son de sa voix que le juge l'entendra mais par l'écho que renverra sa confession manuscrite... Son père la dorlote, lui offre tous les jouets et gadgets que peut désirer une petite fille modèle : il réserve sa violence à sa femme. C'est seulement lorsque Charlotte a 7 ans, que ce papa chéri devient un bourreau. La fillette perçoit le basculement lorsqu'elle comprend qu'elle n'occupera plus jamais sa chambre parfaite. L'antre où elle survivra sera la cave de la maison que son papa a aménagée. Entre humidité et courses de rats, c'est là que Charlotte va apprendre et analyser les longs silences et la passivité de sa mère, qu'elle va grandir, se construire, toujours terrée et murée dans le silence qui la caractérise... Plus le temps passe, plus la fureur paternelle s'intensifie. Une nuit, il l'enchaîne. Puis, une autre nuit, il retire son ceinturon et la cingle au visage et à la hanche. À l'étage, la chambre de la petite fille a été transformée en un décor qui évolue au fil des années et qui demeure fermé : seul le père en possède la clé, une clé qu'il utilise exclusivement lorsque la famille reçoit de la visite. Charlotte espère parvenir à faire comprendre au monde extérieur, par des signes qui lui semblent lisibles - son regard, ses gestes, la couleur diaphane de sa peau, l'humidité constante de ses cheveux -, sa détresse quotidienne, mais il lui est impossible de la verbaliser. L'assurance qui irradie du comportement paternel convainc toujours que tout, dans sa famille, se passe comme dans le meilleur des mondes... La rencontre avec Guy sera-t-elle la bonne clé, celle qui permettra à Charlotte d'ouvrir la porte de sa cave, qui lui permettra de respirer et de vivre, enfin ? Et je prendrai tout ce qu'il y a à prendre clame le cri que Charlotte ne parvient pas à lâcher en face des adultes qui l'interrogent et aux camarades que sa différence inquiète. Elle apparaît, moderne et fragile héroïne, et le lecteur ne peut s'empêcher de penser à Phèdre ou à Antigone que le meurtre libère. Il bouleverse parce que Céline Lapertot a trouvé le rythme juste pour maintenir la tension dramatique qui en fait la force. Le lecteur reste auprès de Charlotte à chaque instant, il partage sa douleur, puisqu'il est finalement le seul à savoir, le seul à la connaître...

17,00 €
Parution : Janvier 2014
192 pages
ISBN : 978-2-8785-8590-2
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