La Maison de servitude : Réplique au Grand Inquisiteur
La Maison de servitude désigne l'Egypte pharaonique de l'Ancien Testament. Les hommes ont pour vocation de sortir de la Maison de servitude pour accéder à l'existence libre et responsable. Mais la libération est rude, angoissante. Beaucoup n'aiment pas la liberté, nourrissant même à son endroit une véritable haine. Ils en ont peur, elle est à leurs yeux un fardeau trop lourd à porter. Ils n'ont donc qu'une idée en tête regagner la Maison de servitude. C'est ici qu'intervient le Grand Inquisiteur. Aux déçus de l'émancipation, il fait miroiter tous les avantages de l'esclavage, en particulier la certitude d'être pris en charge pour tout et de n'avoir plus à décider de rien. Du pain et des jeux également. Bref, il leur propose de les reconduire à la Maison de servitude. Cet accompagnement rejoint ce qu'on appelle le totalitarisme. C'est une tentation permanente à notre époque, on le voit aujourd'hui par exemple avec l'islam. La modernité, selon Eric Werner, consiste en une lutte à mort entre la liberté chrétienne, d'une part, et l'autorité rassurante du Grand Inquisiteur de l'autre. Cet essai surprenant prend le contre-pied d'une idée aujourd'hui très répandue, selon laquelle la modernité serait la mort du christianisme. Et si ce n'était pas le contraire, justement ? Si l'effondrement du cadre de vie traditionnel, loin de devoir s'interpréter comme " sortie du christianisme ", n'en marquait pas, à l'inverse, l'accomplissement même ? Si les germes jetés en terre à l'époque des Evangiles n'avaient réellement commencé à porter leurs fruits qu'avec l'avènement, à notre époque, du sujet personnel et de son accession à la parole ? Après ses essais de philosophie politique, Eric Werner livre ici un ouvrage inclassable, vertigineux, qui sonde les racines historiques de la liberté. Entre littérature et psychologie, s'appuyant tour à tour sur Tocqueville, Nietzsche, Dostoïevski, Spengler, Erich Auerbach, d'autres encore, il propose au lecteur moderne un cheminement déroutant, mais exaltant et honnête, vers l'unique promesse du christianisme, celle du salut personnel lié à la présence en nous de la parole vivante.