1933 : la tragédie du prolétariat allemand
Dans les mois qui suivirent la révolution d'Octobre, Lénine et les plus lucides des bolcheviks l'affirmèrent avec force : si la Russie restait isolée, si les pays les plus industrialisés, et en premier lieu l'Allemagne, n'étaient pas gagnés par la révolution socialiste, alors celle-ci périrait. C'est dans cette perspective qu'ils créèrent l'Internationale communiste au début de 1919. Même si celle-ci et sa subordination au parti bolchevik furent contestées dès sa fondation, même si, très vite, des révolutionnaires dénoncèrent la dictature du parti russe sur le prolétariat, elle représenta pendant des années encore pour de nombreux militants la lumière qui s'était allumée à l'Est, la perspective toute proche d'un monde libéré du capitalisme et des immenses massacres impérialistes. Pour Hippolyte Etchebehere, dit Rustico, l'Allemagne en crise du début des années 1930 restait le champ de bataille où se jouait l'avenir de la révolution, aussi bien par la puissance de son industrie que par celle de ses organisations ouvrières. A Berlin, aux côtés de ces communistes qui sont pour lui des révolutionnaires, il va vivre ces semaines de l'hiver 1932-1933 dont on s'apercevra que s'y décida le sort d'au moins une génération. Mobilisation des militants, immobilisme des partis et des syndicats, alliance des nazis et de l'appareil d'Etat : Rustico les vit jour après jour et témoigne que le nazisme fut d'abord une contre-révolution, avec, parmi ses premières victimes, une social-démocratie pourtant devenue un rouage de l'Etat allemand et un parti communiste instrument dévoué de l'Etat soviétique.