L'amour de Madeleine
Après la publication des Cahiers de Malte Laurids Brigge (1910), Rilke, séjourne en Afrique du Nord puis en Egypte. Lors de son retour à Paris, le fiacre est arrêté longuement rue du Bac, devant une librairie, par un embarras de voitures : c'est là qu'il fait la découverte d'un petit livre qui vient de paraître : L'Amour de Madeleine, "sermon anonyme français retrouvé par l'abbé Joseph Bonnet à la Bibliothèque Impériale de Saint-Petersbourg". Rilke est bouleversé par la lecture de ce texte : Découvert à temps, ce sermon français, écrit-il, m'eût épargné les Cahiers de Malte. Car ce texte court tellement dans la direction qui fut donnée au coeur de Malte en allant jusqu'au bout et dépassant de loin le pauvre "Brigge". Avec enthousiasme il se met à traduire sa trouvaille : Ce texte, écrit-il à son éditeur allemand, devrait avoir la possibilité d'arriver en de nombreuses mains. Il sera, en effet, régulièrement réédité dans sa traduction allemande alors même que sa trace en France se perdait à nouveau. La présente édition donne face à face le sermon anonyme et la traduction de Rilke. Elle rend ainsi possible à la fois de lire un texte français presque inconnu que Rilke tenait à juste titre pour un chef d'oeuvre, de comprendre mieux la démarche spirituelle de Rilke au moment décisif de son itinéraire d'écrivain, enfin de juger sur un exemple bilingue de la conception et de la pratique de la traduction qu'avait l'un des plus grands poètes de ce siècle.