Le Voyage à Nanga : Un racontar exceptionnellement long
La perte de sa pipe fut pour Mads Madsen un événement tragique : depuis plus de trente ans, c'était un fumeur de pipe invétéré. Impensable pour lui, comme l'aurait fait William-le-Noir, de se rouler une cigarette avec du papier toilette, ou de se trafiquer un substitut de pipe avec de l'argile, de la pierre de savon ou du bois échoué sur la plage. Non, ce qu'il lui fallait, c'était un bout de bakélite entre les dents et une bonne tête de bruyère pour son tabac. Il faut dire à la décharge de William qu'il s'abstenait de toute provocation quand il fumait sa propre pipe. Il plaignait même sincèrement Mads Madsen en le voyant marcher de long en large, mâchonnant nerveusement un crayon. Il lui aurait même volontiers prêté sa pipe de temps en temps, mais il n'arrivait pas à oublier les mots de Mads Madsen lorsqu'iI avait défendu son monopole sur les jumelles : " Ce qu'on possède, mon cher William, on le possède, et on ne le prête pas ; même à son meilleur ami, si on veut rester amis. " William s'en tint à cette doctrine. Jamais il n'aurait voulu mettre en péril sa vieille amitié avec Mads Niadsen.