Gloubinka, Promenades au coeur de la Russie
Editeur : L' Inventaire
Gloubinka c'est, de façon à la fois péjorative et affectueuse, la campagne russe dans son acception la plus large. En fait, presque tout ce qui n'est pas moscovite.
En poste à Moscou pendant quatre ans (de 1997 à 2001), Piotr Smolar, qui fait alors ses débuts de journaliste, sillonne précisément cette Russie des profondeurs, si mal connue parfois des Russes eux-mêmes, surtout quand ils sont moscovites.
Pas de Kremlin, pas de Poutine, pas de Moscou ni même de Saint-Pétersbourg, dans ces promenades que nous propose l'auteur. Pas de grandes villes plus ou moins occidentalisées ou qui font semblant de l'être. On trouvera en revanche les confins de la Russie et de l'Ukraine, la ville de Vorkouta dans le Grand-Nord, la région de Krasnoïarsk dont, récemment encore, le général Lebed était gouverneur, les rives du Don et des noms que l'on a rarement l'occasion d'entendre : Iochkar-Ola, par exemple.
" A quoi rêvent les filles de Iochkar-Ola ? " interroge Piotr Smolar dans un de ses chapitres. Et l'on s'aperçoit, que comme partout ailleurs, les filles de Iochkar-Ola rêvent d'amour mais pas forcément d'eau fraîche, et que les petites annonces par Internet pour trouver un mari vous changent parfois - pas toujours - la vie.
Une escapade à Nijni-Novgorod convie le lecteur à suivre la campagne électorale municipale d'un candidat au casier judiciaire chargé. C'est un " homme d'affaires " à la russe, autrement dit doué d'une énergie insensée, qui ne s'embarrasse pas de scrupules mais qui, finalement, n'est peut-être pas " cent pour cent fripouille " .
. Gloubinka s'ouvre sur une visite de notre " Rouletabille version du siècle " à la frontière russo-ukrainienne. Dûment guidé par les autochtones, Piotr Smolar s'approche du lieu censé marquer la rupture historique et géographique entre l'Ukraine et la Russie et... ne voit rien. La frontière est absente, et pourtant si présente dans les têtes et sur le papier qu'elle bouleverse le quotidien de ceux qui vivent de part et d'autre de ce rien...
Piotr Smolar sait, comme personne, relever les bizarreries et absurdités d'un pays qui n'en manque pas. Dans la patrie de Gogol, faut-il s'en étonner ? Ses " promenades au coeur de la Russie " ne masquent en rien les difficultés et problèmes auxquels est confrontée la population. Mais l'auteur aime la Russie et les Russes, et cette tendresse transparaît à chaque page. Il sait en outre poser sur les hommes et les choses un regard à la fois chaleureux et ironique. Dès lors, la situation de la Gloubinka et de la Russie tout entière ne semble plus aussi catastrophique qu'on le croit généralement. Le lecteur s'aperçoit que la Gloubinka est peuplée de gens parfois étranges, mais terriblement attachants.