Europe, N° 913, Mai 2005 83e : Littérature de Bretagne
En mai 1981, Europe consacrait un dossier à la littérature de Bretagne. On y sentait pleinement l'effervescence de ces temps d'espérances et la grande richesse, même un peu désordonnée, de parcours singuliers trop méconnus. Presque vingt-cinq ans plus tard, ce paysage a été profondément remodelé. Les enjeux ne sont plus les mêmes, ils se sont déplacés. Ce qui définit le mieux cette littérature aujourd'hui, c'est le regard critique qu'elle porte sur elle-même. Après les années soixante-dix, années de protestations, de revendications culturelles (en breton et en français), a commencé, à partir de la deuxième moitié des années quatre-vingt, une phase d'interrogation sur son identité en vue d'une reconstruction, d'une refondation. Une ambition, commune aux écrivains des deux langues, est bien discernable, celle de s'arracher à une gangue de plus en plus étouffante, déniant à la littérature le droit d'investir son propre espace. Ce nouveau numéro d'Europe veut tenter d'en inscrire la trace et montrer la riche diversité d'œuvres qui s'accomplissent souvent dans une sorte de marge où on les tient confinées. Il est nécessaire qu'enfin apparaisse au grand jour cette nouvelle littérature bretonne.
" Bretonne " parce qu'elle porte en soi pour être vraiment elle-même sa part d'ailleurs, déclencheur d'imaginaire, parce qu'à travers elle peut se délivrer une " matière " qui irrigue et nourrit la littérature universelle. " Nouvelle " parce qu'elle sait interroger son passé, en saisir les liens brûlants, en former l'actualité, le remettre en question avec un esprit critique pertinent. C'est enfin une littérature vivante dont les ouvres en cours tracent les contours d'un paysage ouvert sur le large, un paysage où les vents soufflent leurs promesses d'avenir.