Europe, N° 925, Mai 2006 : Marcel Schwob
De Jorge Luis Borges à André Breton, d'Antonin Artaud à Michel Leiris, de Gilles Deleuze à Jean Echenoz et Pierre Michon, de nombreux écrivains ont confessé leur admiration pour Marcel Schwob ou ont reconnu leur dette à son égard. Né à Chaville en 1867, mort à Paris en 1905, il fut élevé chez un oncle érudit, bibliothécaire de l'Institut, puis à Louis-Le-Grand où il fut le condisciple de Paul Claudel. Esprit inquiet, curieux, il semble avoir épuisé toutes les doctrines philosophiques, toutes les littératures, grecque, latine, médiévale et surtout anglo-saxonne, lui qui fut parmi les premiers à révéler Walt Whitman au public français... Des contes comme ceux de Coeur double, du Roi au masque d'or ou des Vies imaginaires nous montrent que l'immense culture de Marcel Schwob lui permettait de s'identifier à toutes les sensibilités historiques et de les ressusciter avec précision, dans une prose splendide. Grand dévorateur de manuscrits anciens, véritable bibliothèque vivante, surdoué qui publia son premier article à l'âge de onze ans, philologue, fervent de Villon, explorateur du jargon des bandits de grand chemin, écrivain en rupture avec les Ecoles de son temps, auteur d'une oeuvre hantée de doubles, de masques et de spectres, Schwob fut aussi ce coeur double qui aimait se perdre dans les marges obscures de la ville. Il connut de violentes passions, aussi bien pour une jeune ouvrière qui lui inspira Le Livre de Monelle que pour l'actrice Marguerite Moreno qu'il épousa en 1900. Le mystérieuse maladie qui le tourmenta toute sa vie et contrecarra sa création - il cessa d'écrire des oeuvres de fiction à 29 ans - l'emporta à l'orée du XXème siècle après son périlleux voyage aux Samoa sur les traces de Stevenson.