L'espérance mutilée
L'histoire de Joseph est une histoire simple. A peine une histoire, et qui aurait pu être la vôtre, celle d'un parent ou d'un proche. Joseph n'est pas un héros. Il traverse la guerre de 14 en regardant s'aligner les années sur le calendrier et les croix dans les cimetières. La vie ne lui a pas fait de cadeau, mais elle n'est pas plus illuminée par la grandeur d'un drame que par un quelconque lointain idéal. Joseph croit en Dieu, sans doute sous l'influence du milieu et de l'époque ou par sensibilité personnelle, aux filles parce que la société et la nature le veulent ainsi. Il glisserait pour un peu dans le fatalisme des gens de bon sens parmi lesquels il vit.
Et pourtant, quand une lueur s'allume dans son existence, le voilà qui prend espoir et ne demande qu'à changer d'avis et de philosophie. Une mauvaise chute dans son enfance l'a handicapé d'un bras. Les filles lui préfèrent son copain Sylvestre. Mais l'un et l'autre reviendront-ils de la guerre ? et Joseph, qui ne combat pas en première ligne à cause de son handicap physique, n'a-t-il pas plus de chances de revenir que Sylvestre ? Il est difficile de se détacher du récit de la vie de joseph. La petite musique de François Cognéras est à l'œuvre. C'est une marche Joseph n'ayant pas le choix. Derrière les notes, au-delà du roman qu'une main inexperte rangerait sous l'étiquette de régionalisme, François Cognéras touche du doigt au vide sur lequel se bâtissent les existences, vide qu'on pourrait prendre pour le néant mais qui est l'espace de tous les possibles. Derrière ces choses anodines qui font de la moindre vie un roman, derrière cette fascination des humbles, et l'épaisseur humaine des personnages, François Cognéras traite avec pudeur et sans jamais les nommer de ces forces avec lesquelles il faut vivre... De l'ouvrage à classer sur le seul rayon de l'authentique littérature.