Un homme inutile
Derrière ce nom, encore inconnu en France, et cette vie brève, à la charnière de l'Empire ottoman et de la jeune République turque, se cache un rôdeur affamé d'humanité dans les bas quartiers cosmopolites d'Istanbul. « Écrivain des troisièmes classes », Sait Faik est sans doute, avec son art abrupt de la nouvelle, le plus grand auteur de la modernité turque. Un art qui obéit à une urgence vitale : dans l'attente d'un bateau, entre terre et mer, libre, il a des fulgurances pour atteindre chez l'être humain la peur de l'amour et de la mort, la solitude, le passager... Témoin cet Homme inutile.« Non, non, il n'était digne d'aucun travail ! Les gens avaient raison... Il était né pour regarder le monde avec stupéfaction, pour s'étonner de ne rien comprendre, il était né pour flâner sur les routes la tête en avant, pour voir ou ne pas voir ce que les gens faisaient. Pour regarder la couleur de l'eau sous un pont, contempler les jambes d'une fille. Celle-là, qui peut l'embrasser ? Comment caresser ses cheveux ? »Les éditions Bleu autour inaugurent leur projet, dirigé par Rosie Pinhas-Delpuech, d'éditer en français l'oeuvre de nouvelliste de l'écrivain turc Sait Faik Abas¾yan¾k avec la publication simultanée d'un recueil, Un homme inutile (1948), traduit par Alain Mascarou, et de cette nouvelle « Une histoire pour deux », extraite du recueil Un serpent à Alemdag (1954) à paraître en septembre 2007 (traduction du turc de Rosie Pinhas-Delpuech et préface de Nedim Gürsel).