Carnets : 1944 1971
Quand Jean Grenier – qui professa la philosophie de 1922 à 1968 – commence au lendemain de la Libération à prendre des notes dans ces Carnets, il est âgé de 46 ans : il a écrit Les Îles (1933), Essai sur l’esprit d’orthodoxie (1938) qui marqua une génération d’intellectuels divisés par le communisme, Inspirations méditerranéennes (1941) et dirige la collection « Métaphysique » aux éditions de La NRF ; sa mère est morte en avril et Albert Camus, son ancien élève d’Alger qu’il a mis sur la voie de l’écriture, vient de lui demander de rédiger des « visites d’ateliers d’artistes » pour son journal, Combat. Mais bientôt, Jean Grenier part enseigner à Alexandrie et au Caire où il rencontre Gide, Jabès, Cocteau, Hussein, Étiemble, Perros.
Il ne revient à Paris que pour assister, impuissant et douloureux, aux développements tragiques de la guerre d’Algérie. Ce qu’il rapporte alors de ses conversations quotidiennes avec Albert Camus précise les sentiments de ce dernier, muet après l’échec de sa proposition de trêve… En 1960, le prix Nobel meurt dans un accident de voiture : tout se passe dorénavant pour Jean Grenier comme s’il était amputé du plus « public » de sa pensée. Un confiant dialogue prend brutalement fin… Dès lors, ce sont les relations de Grenier avec Francine Camus, René Char, Louis Guilloux, Jean Giono, André Malraux, Manès Sperber, avec le groupe de La Nouvelle Nouvelle Revue Française, avec des artistes contemporains, ses souvenirs d’enfance également, ses définitions étonnantes de termes et de sentiments, ces « à-peu-près » notés avec humour, qui continuent d’étoffer la matière mouvante de ces Carnets, écrits jusqu’à sa mort, en mars 1971.