Lamentations de la vieille femme de Beare
Ce texte est une des œuvres majeures de la lyrique occidentale médiévale. Il est peut-être la première manifestation évidente du lyrisme personnel en Europe chrétienne. Il faudra attendre, au-delà de siècles de lyrique "impersonnelle" dont les troubadours furent les maîtres, Rutebeuf, puis surtout Villon, pour rencontrer dans le langage écrit une telle condensation de l'immanence à laquelle le sujet humain est en proie, pour le meilleur et pour le pire. Jusant me vient, comme à la mer ; ma vie reflue, en jaunissant, je peux pleurer, je peux pleurer, Lui, joyeux, s'avance vers sa proie. C'est moi Bui, la vieille diablesse de Beare ; autrefois, toujours parée de neuf ; aujourd'hui, misère m'étreint et j'erre sans un haillon pour me couvrir la peau.