Le purgatoire des sens : Lost Highway de David Lynch
Lost Highway est à l'image de l'hôtel où échouent Fred et Rence, hôtel perdu au bout d'une autoroute surgie de nulle part, investi par des morts ou des disparus qui refont surface : le film a tout d'un purgatoire. Purgatoire pour les personnages qui n'arrêtent pas de passer les frontières de mondes incompatibles. Purgatoire pour les corps en souffrance, dont David Lynch affiche la vulnérabilité pour mieux en explorer/exploser les textures. Purgatoire pour la raison, confrontée à une histoire illogique, dominée par les fantasmes et les pulsions noires. Purgatoire pour le spectateur, embarqué dans une traversée audiovisuelle intense le confrontant à la violence physique et psychique. Purgatoire, enfin, pour le cinéaste qui atteint là une sombre pureté artistique que Mulholland Drive reconduit en déplaçant l'action au cour même d'Hollywood. Bréviaire vertigineux de la perception, Lost Highway plonge dans l'intimité de l'image pour amener la sensibilité à s'ouvrir. Un programme simple mais bouleversant ; un ravissement sensoriel de chaque plan projeté sur l'écran cinéma, qui ne s'en remet toujours pas.