Le corps en abîme : Sur la figurine et le cinéma d'animation
Le cinéma d’animation est le résultat toujours surprenant du mélange des techniques graphiques et de l’invention animée ; il est aussi un assemblage de pratiques culturelles diverses : bande dessinée, spectacle de prestidigitation, danse... Cette hybridité fondamentale se manifeste sur le corps animé et fait de la figurine un corps inédit, sur lequel vient s’inscrire une série de paramètres relevant des imageries collectives contemporaines. Dans nombre de cas, des premiers films d’animation aux plus récents, des cartoons aux images de synthèse, il apparaît que cette figurine se trouve au centre d’un système complexe et paradoxal basé sur des jeux de défigurations. Des Silly Symphonies (les contes musicaux de Walt Disney) aux animations en pâte à modeler des studios Aardman (Wallace & Gromit, Chicken Run), de la miniature de King Kong aux poupées surréalistes de Jan Svankmajer, de Bip-bip et Coyote de Chuck Jones aux personnages de Tim Burton (L’Étrange Noël de Monsieur Jack, Les Noces funèbres), le corps de la figurine cristallise les fantasmes les plus troublants du vingtième siècle.
Prenant en compte les grands noms de l’animation (Norman McLaren, Ladislas Starewitch, les frères Fleischer) et des artistes plus récents (Manuel Gomez, Pjotr Sapegin, Michel Ocelot), le livre montre à quel point l’animation est le lieu rêvé de l’évocation des liens inextricables entre vie et mort. L’originalité de l’ouvrage tient entre autres à la convocation de films et d’exemples tirés de périodes différentes, rarement rapprochés et qui acquièrent, ici, de nouvelles valeurs. Dialoguent ainsi l’Alice et le Pinocchio de Walt Disney avec Roger Rabbit, King Kong avec Méliès, Popeye avec Superman, Tex Avery avec les studios Aardman.