Adoremus
Elle : Tu es entré en moi par effraction, par ces quelques mots glissés comme par inadvertance au détour d'une phrase, ces quelques mots qui furent tout de suite morsures déchirant ma conscience embuée, ces quelques mots qui ameutèrent en moi tout un peuple obscur et battant que je tenais durement captif et qui s'est levé, s'élançant et m'assaillant en rafales par grappes successives car c'était la vraie levée d'écrou et c'était comme un battement d'ailes percutant des salves d'écarlate. Parce que tu m'as dit juste comme ça, juste pour voir : " Je crois que je manque un peu d'amour... ". Lui : Et moi je te voyais pour la première fois et je te parlais comme si c'était la dernière, comme si nous ne devions plus nous revoir sur terre et qu'il fallait que tu recueilles de moi, en une seule fois, tout l'essentiel afin de le propager ailleurs et après moi, il y avait urgence soudain à tout dire de ce que j'avais toujours tu, à tout délivrer de ce que j'avais toujours contenu et il y avait en moi la poussée irrépressible des mots que je décachetais un à un et que je te présentais comme une offrande à la fois liminaire et ultime. Elle et Lui : Dialogue sur le fil. Fragments d'un discours amoureux. Chronique d'un merveilleux désastre. Ils se cherchent, s'attisent, se cognent, se blessent, se désirent, se brûlent, s'apprivoisent... La parole intervient en cours de déflagration, elle se remémore et elle est contemporaine du lien qui se tisse. Les amants se répondent et peu à peu, mot à mot, bâtissent la légende de leur histoire.