La solitude de l'oeuf
Lisa allume une deuxième salve d'ampoules : des visages difformes sautent aux yeux de Pierre qui recule d'un pas avant de se maîtriser. Des bouches en laine, des nez ronds, des regards végétaux et des silhouettes grossières : des poupées artisanales. Des centaines de poupées suspendues, assises, posées sur des étagères en bois. Un peuple souterrain.
La plupart sont recroquevillées sur elles-mêmes, petits tas faits de tissus, de cheveux (sont-ce de vrais cheveux ?), de morceaux de bois. Certaines sont de véritables poupées, bébés nageurs renversés dans des bocaux de verre ou barbies démembrées, pêle-mêle, comme en attente. Tout autour des masques, des sacs, des vieux rideaux. Il y a aussi des empilements étranges de dents (sont-ce de vraies dents ?) mais Pierre ne parvient pas à tout détailler tant la pièce donne l'impression d'un immense chaos. Il reste stupéfait sur le seuil, mal à l'aise. Lisa guette sa réaction. Un jeune couple de parisiens accepte un travail dans un endroit reculé de province. Le gardiennage d'un musée de poupées, à priori anodin, les renvoie vite à leurs propres obsessions. Qui sont réellement les hôtes de ce lieu perdu en pleine forêt et quel est leur dessein ? D'apparentes vacances qui cachent un enfer moral où la volonté de faire un enfant se transforme en un véritable cauchemar.