100 PHOTOS DE PIERRE ET ALEXANDRA BOULAT
Il existe un exercice auquel échappe difficilement une journaliste, surtout si elle pratique le reportage. Elle se retrouve immédiatement sommée de parler, avant toute chose, de son sexe. Oui, année après année, décennie après décennie, revient l'éternelle même question, posée avec une inépuisable ingénuité : femme et journaliste, comment est-ce possible ? N'est-ce pas trop difficile ? Il se trouve qu'Alexandra Boulat, photographe de guerre, ne se contente pas d'être une femme. Elle est aussi une fille, celle de Pierre Boulat en l'occurrence, également photographe et grand reporter. Pour la mère, devinez qui ? Annie, fondatrice et directrice de l'agence Cosmos. La production de la famille Boulat s'inscrit dans la tradition du très grand photojournalisme, à l'ancienne serait-on tenté de dire, aux côtés des Robert Capa ou des Lee Miller. Dans les pas l'un de l'autre, père et fille ont ainsi traversé les lignes de fronts ou les défilés de mode, tiré les portraits des vedettes ou des inconnus, oscillé entre l'extraordinaire et l'ordinaire. Le journalisme n'est pas une académie d'héroïsme ou d'excellence. Il est tout l'inverse, une expérience d'humilité et de tâtonnements. Entre l'information et la communication, entre le bruit et la rumeur, entre la belle histoire qui fait vendre (ou du moins l'espère-t-on) et l'histoire réelle qui fait réfléchir, la frontière est parfois indécise. Nous autres, reporters, savons combien il est facile de la traverser par précipitation ou par inadvertance, par fatigue ou par peur. Dans cette machine infernale, nous sommes, nous aussi, à la fois les victimes et les responsables. Florence Aubenas