Le Brésil d'André Thevet
Publiées en 1557, Les Singularités de la France Antarctique constituent une oeuvre phare de la littérature de voyage au XVIe siècle. Contemporain de l’expédition du chevalier Nicolas Durand de Villegagnon au Brésil (1555-1560), ce livre recense la flore et la faune du Nouveau Monde, enregistre sans nulle stupéfaction les phases les plus violentes du rituel anthropophage et relate avec minutie les moindres activités de la société tupinamba, de la confection du cahouin (boisson fermentée à base de mil ou de manioc) et des cigares de pétun aux préparatifs de guerre ou de chasse. C’est par cet ouvrage consacré pour l’essentiel aux Indiens cannibales du Rio de Janeiro et pour une moindre part aux Iroquoiens de la vallée du Saint-Laurent, que s’ouvre en France une tradition qui passe par Léry et Montaigne, se prolonge plus tard chez La Hontan et Lafitau, pour culminer dans le mythe du "Bon Sauvage" cher à Diderot et à l’abbé Raynal.
Un corpus iconographique d’une quarantaine de bois gravés dus au burin de Bernard de Poisduluc consacre la figure apollinienne du Sauvage, demi-dieu passé des îles grecques au littoral du Brésil, et promenant sa nudité héroïque
parmi les palmeraies et les clairières du Nouveau Monde. Des planches à sujet botanique ou zoologique donnent ici la première représentation de la patate douce, du manioc, de l’aï ou paresseux. Au total, l’ouvrage constitue non seulement l’un des premiers monuments ethnographiques du genre, mais un témoignage unique sur l’alliance inattendue entre la vision humaniste du monde et la géographie des Grandes Découvertes.
Edition intégrale, établie, présentée et annotée par Franck Lestringant.