Maeterlinck, le théâtre du poème
Pour Maeterlinck, un texte contient sa propre théâtralité, et c'est elle qui doit être mise sur le devant de la scène afin qu'advienne le " spectacle du poème ". C'est le sens de son texte majeur, Le Tragique quotidien, véritable manifeste pour un nouveau théâtre : nous faire voir et entendre ce qui, autrement, resterait invisible et inaudible, non seulement dans une œuvre, mais également dans la vie de tous les jours. Avec un tel programme, Maeterlinck est bien un auteur de son temps ; mais, à la différence de ses contemporains, son projet consiste moins à montrer cet invisible et cet inaudible, qu'à les inventer. Le présent essai étudie, à partir des textes théoriques et des pièces du " premier théâtre ", comment les interrogations de Maeterlinck placent la question du représentable et de l'irreprésentable au centre du théâtre, exactement au point où l'articulation entre dire et montrer devient problématique. Spécifiquement, il analyse comment ce théâtre du poème réalise l'entreprise paradoxale de donner à voir l'inaudible et faire entendre l'invisible. Et cela, à partir d'une conception du langage qui n'oppose plus la parole au silence, mais fait du silence ce qui, ordinairement, ne s'entend pas dans la parole même. Alors surgit, au cœur du drame, quelque chose d'inouï.