Au sommet des grands pins
« Septembre est enfin arrivé. Je l'ai espéré comme un enfant attend la rentrée des classes : ce même curieux sentiment mêlé d'envie et de crainte: le désir d'attribuer un visage à l'auteur dont je me suis approprié l' uvre et la peur de m'être lancé dans une aventure dont je ne devine pas l'issue. Je suis descendu en gare de Royan il y a une demi-heure à peine et me retrouve maintenant installé dans le taxi qui me mène vers Saint-Palais. J'ai pris soin de choisir le train le plus lent et lorsque j'ai demandé au conducteur d'emprunter la voie la moins rapide, il s'est retourné en me regardant d'un air ahuri: -Vous êtes sûr? Sinon on peut prendre la rocade et y être en un quart d'heure. -Surtout pas, empruntez la corniche et s'il vous plaît, roulez lentement, le plus lentement possible.» Les Pins c'est l'inquiétante mésaventure d'un écrivain qui a le tort de se prendre pour un autre plus prolixe que lui. À vivre dans le monde de la fiction on finit par perdre le sens de la réalité et même franchir les barrières de la morale...