Prises de vue
Prises de vue est constitué de vingt reportages littéraires extraits de Der Rasende Reporter {Le Reporter enragé}, un recueil qui valut à son auteur la reconnaissance du public et de la critique (Döblin, Brecht, Musil, Günter Wallraff figurent parmi ses laudateurs). Après nous avoir narré l’hilarante histoire de ses tatouages, Kisch soliloque au fond de la mer en scaphandre, engage une discussion avec un interlocuteur imaginaire et rétif sur l’utilité des cartes marines, dissèque des puces – celles de Clignancourt –, fait le point des croyances estudiantines à la lecture des ex-voto de l’église Saint-Séverin, expérimente l’effet d’un gros pourboire sur les contrôleurs de bus berlinois et interviewe le bourreau de Vienne. On le trouvera encore parmi des migrants slovaques en France, avec les rudes pêcheurs de Rügen, dans les bas-fonds de Londres, à la bourse de fret de la City, à Essen – royaume des Krupp –, ou avec les chauffeurs d’un géant des mers.
Si dans ses bagages Kisch n’oublie jamais une bonne dose d’humour et d’insolite, voire d’autodérision, il reste à l’affût des injustices sociales. Pourtant, au-delà du témoignage du journaliste, ses écrits sont éminemment littéraires et poétiques ; l’on croise ainsi au fil des textes Schiller, Goethe, Heine et Emma Bovary. Parmi l’héritage de la bouillonnante Mitteleuropa, les articles de Kisch trouvent naturellement leur place au côté de ceux de Karl Kraus et de Joseph Roth.