La photographie
Editeur : Du Grand Est
Aucun photographe-poète ne photographie un visage, un arbre ou le bleu du ciel , non seulement parce qu'au lieu de saisir quelque chose, il l'abrite ; mais plus radicalement encore parce que son attention ne se fixe pas sur quelque chose ou quelqu'un : elle est une modalité de l'espace, un rythme, la dimension espérée d une rencontre. Non pas photographier la cheminée qui se dégage sur le ciel mais la présence à partir de laquelle elle apparaît, et qui porte les nuages d'une blancheur aux contours fluctuants, le bleu du ciel dans son azur le plus calme et le plus réjouissant et les dessins de branches d'arbres qui se montrent dans leur étrangeté solitaire enfin reconnue.
Présence nommée comme cet équilibre qui devient le don spacieux où s'abriter. Photographier en une telle guise repose sur un émerveillement devant le fait que quelque chose soit et vienne à être de telle manière que nous en sommes les témoins et les gardiens. La photographie-poème devient parole quand, enfin, elle ne cherche plus à signifier, ne tente pas de qualifier, mais montre, comme le dit Martin Heidegger, en portant « aux sites de la pure sidération jusqu'au maintien en l'injonction par lequel s'en vient le souffle du silence, et où tout va, ajointé à son rythme, au devant de la destination ».