Le 'fascisme' américain et le fordisme

Un « fascisme américain » ? L'expression peut surprendre, tant le terme de « fascisme » est le plus souvent associé à l'Europe de la Belle Époque dans la pensée commune.
Certes, le fascisme aux États-Unis n'est jamais parvenu au pouvoir, il n'a pas disposé de porte-parole désigné ni de groupe réellement constitué. Pour autant, que ce soit dans la culture politique ou dans l'histoire nationale, les États-Unis portent en leur sein tous les éléments constitutifs d'une imprégnation fasciste tout à fait particulière, qui est loin d'être un simple phénomène d'importation. Au tout début du XXe siècle, la transformation radicale du capitalisme y a engendré de profonds changements : l'avènement d'une production de masse a fait des États-Unis le théâtre de bouleversements sociaux et idéologiques sans précédent. Articulant son propos autour de cette rupture fondamentale, Damien Amblard choisit de concentrer son étude du fascisme américain sur le personnage emblématique que fut Henry Ford. D'origine modeste, hissé seul au rang de la gloire nationale, ruraliste, populiste, antimarxiste, antisémite et nationaliste, il mit en place avec sa Ford Motor Company une idéologie industrielle basée sur les principes d'ordre et d'autorité. Cette idéologie fut notamment dénoncée par Charles Chaplin dans Les Temps modernes.
Avec son Juif international, rédigé au sortir de la Grande Guerre, il donna même à penser que si l'idée d'un « complot juif » n'avait pas été désavouée par l'opinion internationale deux ans auparavant, il n'aurait pas hésité à exploiter ce motif dans le contexte de la crise économique. Nombreux furent les mouvements américains qui prirent sa suite, se basant sur les théories exprimées dans le Juif international pour raviver un antisémitisme national latent qui, contrairement à l'antisémitisme européen, ne se fondera jamais sur une idéologie, mais préférera toujours s'appuyer sur les préjugés populaires - au premier rang desquels la hantise d'un complot judéo-blochévique.