Conchito
Patrick, végète. Au chômage depuis trop longtemps, il cherche ce qui va lui permettre de gagner dignement sa vie et sa place dans la société. Il se dit que toutes les idées sont bonnes à prendre. Fin connaisseur des niches commerciales pour avoir tâté de l'interim, il décide de créer sa petite entreprise. Il passe donc une petite annonce et s'instaure un code moral : faire le ménage nu oui, se prostituer non. S'enchainent alors les contrats chez de vieilles dames bien dignes, et une clientèle insolite. Parfois une main s'égare mais Conchito ne couche pas, qu'on se le dise ! Sorti tout nu du jardin d'Eden, il ne demande qu'à exercer tranquillement le maniement de l'aspirateur en dodelinant des bijoux de famille, comme un honnête petit artisan.
Les euros s'accumulent et le frigidaire se remplit enfin...
Si au début l'affaire est plutôt brillante, pour sa longévité elle exige néanmoins de rechercher une nouvelle clientèle. Et dans ce genre d'activité, il n'est pas rare d'assister à des dérives baroques voire dissolues... Rattrapé par la précarité sociale, il s'épanche peu à peu sur sa bouteille tout en fantasmant sur sa voisine et s'aperçoit au même moment que son sexe rétrécit aspiré de l'intérieur.
En lisant le livre Conchito de Pascal Juan, on ne peut échapper à la question de l'identité masculine ou la recherche de nouveaux codes de virilité.
Les hommes vivent une époque particulièrement déstabilisante. Pris en tenaille entre les préceptes de leurs mères (ne pas montrer ses sentiments, se blinder le corps et l'esprit, avoir de l'ambition pour deux et du punch pour trois) et les nouvelles exigences de leurs compagnes (être tendre, avouer ses faiblesses, assumer sa part féminine...), les hommes ne savent plus à quel modèle se vouer.
Avant, l'identité masculine était facilement identifiable par des attributs de comportement, le rapport à l'argent, la réussite professionnelle, la capacité de plaire aux femmes. Jusqu'au jour où elles sont sorties de chez elles.
Dès lors, concurrencés sur leurs propres plates-bandes professionnelles, ils trouvent en rentrant chez eux des femmes plus exigeantes, autonomes et indépendantes financièrement.
Toutes les idées, mêmes les plus saugrenues, sont permises pour affronter la crise et tenter de construire un emploi stable.
Émaillé d'un humour grinçant et d'une tristesse ambiante, Pascal Juan réussit à nous dépeindre un personnage désopilant et désabusé tout en évitant l'écueil de la vulgarité. Même si son humour aiguisé nous laisse échapper un rire gêné, le roman reste néanmoins une tragédie sur fond de précarité sociale.