En cheveux
Un châle, à première vue vêtement banal mais qui devient unique quand il est constitué de fils de Pinna Nobilis, une grande nacre de la Méditerranée. Ce châle qui a marqué son enfance, la narratrice le retrouve dans un musée, non pas exposé mais protégé parce que trop fragile. Des souvenirs lui reviennent lorsqu'elle revoit l'objet. Que se cache-t-il derrière ce châle ? Une histoire familiale, ou plutôt un conflit familial, en pleine Italie fasciste. Par métaphore, les fils tissés du châle évoquent les liens tissés, ou décousus, au coeur de cette famille italienne. Entre récit au présent et analepses, le lecteur découvre l'histoire de la narratrice, de son père et de ses rapports avec ses soeurs Nella et Bice. Jamais mariées et inséparables, elles forment un couple à leur manière malgré leur caractère opposé. Un brin sauvage, Nella est une forte tête qui défend son statut de femme et qui s'habille comme un garçon, peu importe que cela déplaise à son grand frère, chef fasciste attaché aux apparences et aux mondanités. Entre le frêre et la soeur s'instaure une réelle complicité, un amour fraternel inégalable, avant que Nella ne devienne une femme et que la haine ne remplace l'amour. Bice, quant à elle, est une jeune femme sociable aimant les mondanités. Les deux soeurs passent leur temps à cacher tous les objets de valeur qu'elles trouvent, comme pour s'assurer l'héritage qu'elles n'auront jamais, de par leur condition de femme. C'est ce châle même que Nella cache de la vue de son frère, pour assurer l'héritage de la narratrice. Et ce châle se retrouve finalement au musée, plié et protégé dans une boîte spéciale, comme il l'était dans la malle de sa tante Nella. Dans un récit sensuel, incarné, Emmanuelle Pagano nous plonge dans un morceau d'histoire qu'elle déplie comme une étoffe et qui exhale amour et haine.