Du mercure sous la langue
Parmi les nouvelles que Sylvain Trudel a écrites, il en est une qui méritait une renaissance, mieux, une métamorphose. Intitulée d'abord Mourir de la hanche et publiée dans le recueil Les Prophètes, cette nouvelle est devenue un roman qui s'intitule désormais Du mercure sous la langue. De quoi s'agit-il ? Peut-être du texte le plus impitoyable jamais écrit par Sylvain Trudel.
Du mercure sous la langue raconte les dernières semaines de Frédéric Langlois, un adolescent qui, arrivé prématurément au terme de sa vie, fait le bilan de sa courte existence. Maudissant la compassion et la complaisance, le narrateur fustige l'espoir, l'amour, l'âme, la religion, c'est-à-dire toutes les illusions dont les hommes ont besoin pour adoucir leur condition tragique. Lucide jusqu'à la douleur, cruel comme on peut l'être au seuil de la mort, Frédéric repoussera la vie et ses mièvreries jusqu'à son dernier souffle, à peine consolé par cette parole de Marilou, son amie d'infortune : « L'idée qu'il n'y a peut-être rien après la mort est la seule qui pour moi ressemble à un espoir. » Du mercure sous la langue apparaît donc comme le chant brutal d'un esprit farouche, isolé mais libre de toute attache, qui profère à la ronde ses dures vérités, quitte à écorcher les fragiles oreilles du monde.