Le Dégoût
Pendant une fin d'après-midi, un homme, Vega, revenu dans son pays, après dix-huit ans d'absence, pour enterrer sa mère, parle, monologue devant un ami retrouvé dont on ne saura que le nom, Moya. Ses propos sont une longue imprécation contre le Salvador, une description sarcastique qui naît du dégoût que lui inspire la réalité salvadorienne, sous tous ses aspects - la bière, les cocktails de fruits de mer qui ont un goût de merde, les Salvadoriens eux-mêmes, idiots congénitaux, psychopathes attardés admirateurs d'autres psychopathes au pouvoir, sa propre famille restée au Salvador. Ce long monologue, par moments d'une grande violence, est traversé d'épisodes comiques, d'un comique très noir il est vrai, qui fait penser à l'humour du révérend Swift, et évidemment à celui de Thomas Bernhard dont le personnage a adopté le nom, par dégoût de son pays, et le ton (celui du récit L'origine, consacré à l'exécration de Salzbourg et de l'Autriche).
Cet ouvrage constitue un constat terrible de l'évolution de l'Amérique latine, en tant qu'arrière-cour des États-Unis - mais la faute n'en retombe pas uniquement sur eux. Des causes qui hier, ou avant-hier, mettaient le pays à feu et à sang, qui engendrèrent une guerre civile qui a laissé environ 80 000 morts, il ne semble plus rien rester. C'est cela qu'exhibe Le dégoût, la victoire totale du cynisme et de l'arrivisme sur les idéaux, jusque parmi ceux qui prétendaient s'y opposer et qui se sont rendus sans condition à l'argent et aux formes les plus caricaturales de l'American way of life. L'auteur a été menacé de mort, et cela sans doute se mérite.