Les yeux de la foi
« Mon Seigneur et mon Dieu ! » « Vraiment cet homme était le fils de Dieu ! » Dans ces cris du Centurion et de l’Apôtre, l’Eglise a toujours vu la manifestation de la foi. Mais comment cet acte a-t-il été rendu possible ? Les signes extérieurs qui font voir l’invisible se présentent toujours à nous comme un fait, inséré dans l’ensemble de l’expérience humaine, et comme l’indice d’une réalité qui dépasse l’ordre auquel elle appartient. La foi nous fait aller du visible à l’invisible non par un saut, une rupture, un oubli du réel concret, mais grâce à lui, avec lui. L’apôtre Thomas « vit l’homme et crut le Dieu », comme disent les Pères de l’Eglise. Une pareille continuité des deux connaissances n’est possible qu’à une condition : il faut que les deux objets ne soient ni opposés ni disparates, mais que l’un englobe et dépasse l’autre, l’approfondissant, le perfectionnant intérieurement. L’acte de foi ne vise donc pas seulement à adhérer par la raison à un Credo; sa lumière rejaillit sur le monde, sur les réalités, sur les événements qui l’ont suscité et nous fait voir en eux, par retour, des indices du monde supérieur. En ce sens, la Création n’est pas séparable de la Rédemption: elle est le signe silencieux de l’Amour de Dieu. Le visible «fait signe» – «dé-signe» l’invisible, il en est le Sacrement originaire. Mais pour que en recouvrions la perception, il a fallu que l’Invisible se rende visible, que Dieu se fasse homme, et qu’il baptise notre regard en nous redonnant les yeux de la foi.