Journal d'un intellectuel en chômage
De 1930 à 1933, à peine arrivé à Paris, Denis de Rougemont assure la direction littéraire des éditions Je sers (qui publiaient entre autres Soren Kierkegaard et Nicolas Berdiaeff). La faillite de ces éditions fin 1933 le contraint à deux ans de chômage, de 27 à 29 ans, qu'il passera en grande partie à l'île de Ré.
Il y rédige un journal non-intime, un journal des choses et des idées d'un jeune homme qui vient de quitter Paris faute de travail et d'argent et qui réfléchit en profondeur sur la société et sur lui-même.
Si il appartenait à la mouvance des non-conformistes des années 30 qui souhaitait une révolution différente de celle soviétique, il n'y a rien de proprement politique dans ce journal. Après avoir vécu à Paris un rôle d'intellectuel qui fait le lien entre l'Histoire contemporaine de son pays et le peuple, il souhaite comprendre ce rôle en profondeur. Il tente ainsi surtout d'apporter des réponses neuves à ce qu'est « le peuple », ce qu'est le chômage et comment vivre dans la précarité.
Ses questionnements tournent donc autour du chômage, mais aussi de l'anti-intellectualisme, de l'apathie face à la culture, des façons de vivre et de penser des ouvriers, des paysans et les commerçants. Il aborde aussi des questions plus personnelles sur le paradoxe de sa situation et de ses inspirations en temps qu'écrivain. Il est au chômage mais il travaille et il écrit sur des gens qui risquent de ne pas pouvoir ou vouloir le lire.
« ce journal n'aura rien d'intime. J'ai à gagner ma vie, non pas à la regarder. Toutefois, noter les faits précis qui me paraîtront frappants ici ou là, c'est une sorte de contrôle amusant et utile. »