A Contre-oubli
Editeur : Editions de la Fontaine-aux-Loups, CERA-nrs
Judith citait volontiers Boileau : "Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément".
Marcelle trouvait l'auteur de l'Art Poétique un peu fainéant : "Vingt fois sur le métier, remettez votre ouvrage". "Allons, cent fois, c'est plus sûr." Ces deux vieilles dames m'ont appris à écrire. Clair. Précis. Leurs leçons ont porté. Jusqu'au jour où j'ai entrepris d'écrire sur ce qui me semblait le plus confus, le sens de ma vie. A mon tour, j'ai corrigé l'Art Poétique de mon enfance : "Ce que l'on conçoit mal s'énonce obscurément" Et les mots pour le dire viennent à grand tourment. "Je suis une petite ronde, dodue, très brune, alors que ma soeur est blonde, fine, élancée. J'en crève de jalousie et bougonne dans mon coin en rêvant d'être un garçon. Malheureusement, aucun exercice physique ne me réussit, ni les parties de ballon, ni les courses en patinette sur les trottoirs du boulevard éreire. Je détestais imaginer mon père banquetant à Heidelberg avec ses copains de lycée devenus avocats, juges ou médecins, tous peu ou prou anciens nazis. Il me rassurait : "Mais non, le plus nazi de la classe est mort sur le front russe."