Jean-Baptiste Alexandre Le Blond, architecte 1679-1719 : De Paris à Saint-Pétersbourg
Issu d’une lignée d’éditeurs d’estampes, dont les débuts remontent au xvie siècle, Le Blond grandit dans le quartier de la rue Saint-Jacques et profita aussi bien des multiples relations avec les dessinateurs et les graveurs, qui se nouaient autour de la boutique de son père, que de la proximité de l’Université. Dans ce Paris des artistes et des savants, autour de 1700, le jeune Jean-Baptiste Alexandre se fit connaître comme un inventeur prodigieux de nouvelles formes décoratives, de plans de jardins et de façades de maisons marquées par ce qu’il appelait lui-même la « noble simplicité ». Mais il devint aussi l’auteur d’une œuvre théorique importante. Son premier traité consacré à l’optique et à la perspective, rédigé en 1706 et resté inédit, était directement inspiré de Descartes, aussi bien de sa Dioptrique que du Discours de la Méthode. Ce fut en cartésien convaincu que Le Blond construisit ensuite tout son projet théorique qui le plaçait du côté des Modernes. Il incluait le travail sur le traité La Théorie et la Pratique du Jardinage (1709), ouvrage qui devint l’un des plus célèbres textes du xviiie siècle consacrés au jardinage, et l’adjonction, en 1710, de plusieurs chapitres au traité d’architecture de d’Aviler concernant la distribution et la décoration intérieure.
Sans doute serait-il devenu l’un des architectes parisiens les plus importants, s’il n’avait été conduit à être l’un des premiers artisans du transfert des modèles artistiques français en Russie. En 1716, il fut nommé par le tsar Pierre le Grand « architecte général » de sa nouvelle capitale. Aujourd’hui, alors que la plupart de ses constructions à Saint-Pétersbourg et dans les résidences de Péterhof et de Strelna ont été remaniées, la ville garde les traces de sa brève irruption et des violents conflits qu’elle provoqua. Une vingtaine de projets signés ou qui lui sont attribués, conservés à Saint-Pétersbourg et à Moscou, dont le célèbre plan de la ville, est sans doute peu de chose à côté du véritable monument qu’est sa correspondance avec le tsar et avec le premier gouverneur de Saint-Pétersbourg, le prince Alexandre Menchikov. Elle nous transmet ses idées, sa façon de mener des chantiers, ainsi que sa manière de concevoir un pays qui était en train de changer de visage. La qualité de cette source inédite, en langues française et russe, est en effet exceptionnelle. La correspondance de Le Blond est fondamentale aussi bien pour l’histoire de l’architecture française que pour celle de Saint-Pétersbourg et de la Russie en général. Elle ne fournit pas seulement de nombreuses informations précieuses sur l’architecture française transplantée à la périphérie de l’Europe, elle permet à l’auteur de tracer un portrait, psychologique et social, d’un architecte parisien situé entre deux siècles et deux cultures.