Kehinde Wiley
Renaître à la culture, c'est renaître à la vie. Cette vie, ces vies, que le Covid-19 a attaquées, emportées et brisées parfois, suspendues toujours. Aujourd'hui, dans notre Centre d'Art La Malmaison, où nous respectons toutes les consignes sanitaires pour une sécurité maximale des visiteurs, nous rétablissons le lien indispensable entre l'art et l'humain. Et quel hasard - mais le hasard existe-t-il ? - que l'exposition de reprise organisée par le PAMoCC de la Mairie de Cannes, dont je salue la qualité et la constance du travail en cette période difficile, soit consacrée à Kehinde Wiley, ce prestigieux artiste contemporain dont toute l'oeuvre de peintre est consacrée aux anonymes et aux oubliés de l'histoire ? Certes Wiley, interrogé et choqué par le peu de présence sur les tableaux classiques américains des personnes afro-américaines comme lui, s'intéresse plus à l'origine qu'à la position sociale, mais comment ne pas mettre en parallèle le surgissement en pleine lumière de nos héros du quotidien durant cette pandémie : soignants, caissières, manutentionnaires, agents communaux et tant d'autres. À 43 ans seulement, Kehinde Wiley travaille et vit entre New-York, Pékin et Dakar, trois univers pour un même regard. Il a déjà derrière lui une carrière considérable et met en scène les invisibles, ceux que la société américaine tolère au mieux sans jamais vraiment les regarder. Il les magnifie dans une réflexion permanente sur les identités raciales et sexuelles. Les anonymes, les marginaux, mais pas seulement : il est aussi l'auteur d'un célèbre portrait de Barack Obama, l'un des hommes justement les plus visibles au monde. Cannes, qui a l'habitude de regarder la société à travers la culture, est heureuse et fière de présenter trente toiles et vitraux d'un artiste hors normes, témoin sans concession mais avec imagination de son époque qui est aussi la nôtre. Ensemble devant cette oeuvre unique, regardons, admirons, débattons et refaisons le monde. Le temps est venu pour chacun de se retrouver visible.