Cannibale lecteur
« On peut juger de la beauté d'un livre, à la vigueur des coups de poing qu'il vous a donnés et à la longueur de temps qu'on met ensuite à en revenir » : cette phrase de Flaubert, qui fait de la lecture une empoignade, dit assez clairement ce dont il s'agit ici : non pas simplement évoquer des livres, mais tenter d'écrire depuis leurs turbulences. Car les livres - ceux qui « brisent la mer gelée - ne se contentent pas de nous transformer et de résonner en nous. Grâce à eux, nous quittons la langue commune pour apprendre d'instables dialectes et comprenons enfin ce que voulait dire Beckett quand il parlait d'échouer mieux. On croisera anciens et modernes, ogres et paladins, Butor et Tarkos, Claude Simon et Imre Kertész, Chevillard et Volodine, Jérôme Ferrari et André Hardellet, mais aussi Hélène Bessette, Pierre Michon, Thomas Bernhard, Ramón Sender, Jonathan Littell, etc. Le clavier étant par ailleurs cannibale, le lecteur aura droit également à quelques exercices de dévoration, notre époque n'étant guère avare en nouvelles « têtes molles » : quelques coups de griffe, par-ci par-là, mais pas que pour rire de certains caniches littéraires : pour mieux retourner dans l'ombre des grands fauves - ainsi Faulkner, Céline et William Gass viennent-ils clore ce fiévreux diorama d'une certaine littérature contemporaine.