Marx et Engels poètes romantiques
« Il connaissait par coeur Henri Heine et Goethe qu'il citait souvent dans sa conversation », écrivait Paul Lafargue quelques années après la mort de son beau-père. « Marx possédait une imagination poétique incomparable ; ses premières oeuvres furent des poésies. Mme Marx gardait soigneusement les oeuvres de jeunesse de son mari, mais ne les montrait à personne. » Dans ses premières années d'étudiant, autour de ses dix-huit ans, Karl Marx se consacra en effet avec énergie à l'écriture de ces poèmes ; au même âge, Friedrich Engels, de deux ans son cadet, en avait déjà publié plusieurs et si sa production fut à l'époque moins abondante, elle n'était certainement inférieure ni en contenu, ni en style, à celle de son aîné.
En consacrant un livre aux travaux poétiques de ces très jeunes adultes, Marcel Ollivier a voulu les replacer dans cette époque où en Allemagne, une petite partie de ses intellectuels commençait à s'élever contre la réaction qui s'était abattue sur l'Europe continentale après la victoire de la Coalition sur la France napoléonienne. La censure, la destitution ou l'exil s'abattaient sur les poètes, les littérateurs et les enseignants critiques ou irrévérencieux de comme ce fut le cas pour Heine et d'autres poètes tels que Börne et Freiligrath - châtiments qu'on pourrait juger bénins au regard du sort que connaissent encore aujourd'hui les esprits libres dans de nombreuses régions du monde. En écrivant ces poèmes, les jeunes Marx et Engels exprimaient leurs sentiments sur le monde qui les entouraient et témoignaient des courants de pensée qui les influençaient, quelques années seulement avant qu'ils se lancent dans le combat politique et qu'ils se fassent les chantres du communisme dont le spectre allait hanter l'Europe.
Par-delà les controverses innombrables qui ont entouré et entourent encore leurs travaux ultérieurs, ne peut-on aujourd'hui encore entendre ce message tout simple que nous transmet le jeune Marx ?
Ne subissons pas passivement Le joug ignominieux.
Car le désir et la passion, Car l'action nous restent.