La Joie du soldat
La joie du soldat est, sans doute, le plus grand roman jamais écrit sur la Seconde guerre mondiale. Immense écrivain et ancien combattant, Victor Astafiev n'a pu écrire son chef-d'oeuvre que longtemps après 1945. Il lui aura fallu plus d'un demi-siècle pour se débarrasser des peurs, des illusions, des mythes aussi de cette guerre sacrificielle pour les Russes. Cinquante-cinq ans exactement pour pouvoir nous la rendre dans ce qu'elle a de plus insupportablement réel.
Le titre vient du premier paragraphe du roman qui commence comme cela : « Je suis heureux, parce que hier j'ai tué un homme. Un Allemand. Un fasciste. A la guerre. » La guerre que raconte Victor Astafiev n'est pas celle des grandes batailles flamboyantes, mais celle des soldats envoyés au sacrifice. Simple soldat, grièvement blessé et plusieurs fois décoré, Victor Astafiev est plein de compassion pour les hommes de rang, ses frères. Mais on sent chez lui une animosité profonde pour les officiers, les généraux et, par-dessus tout, pour Staline. La grande originalité de ce roman partiellement autobiographique est qu'il déborde sur l'après-guerre en URSS, période qu'on connaît peu en France.
Chef-d'oeuvre débordant de compassion, La joie du soldat fait partie de cette littérature rare, que Thomas Mann appelait « sacrée ».