Gracchus Babeuf pour le bonheur commun
L'hiver de 1795-1796 a été extrêmement froid ; le pays est en guerre, dans les villes particulièrement le ravitaillement manque, les prix sont tels qu'une misère effroyable, faisant des morts par milliers, se répand parmi les ouvriers et les artisans. À la colère qui gronde, le régime ? le Directoire ? ne sait opposer que des restrictions aux libertés. Bientôt fleurissent sur les murs, puis sur les lèvres, ces paroles de la Chanson nouvelle à l'usage des faubourgs :
Mourant de faim, mourant de froid, Peuple dépouillé de tout droit, Tout bas tu te désoles.
Gorgés d'or, des hommes nouveaux Sans peine, ni soin, ni travaux S'emparent de la ruche Le directoire exécutif, En vertu du droit plumitif, Nous interdit d'écrire :
N'écrivons pas ; mais que chacun, Tout bas, pour le bonheur commun En bon frère conspire.
Cette conspiration qui se prépare, c'est celle des Égaux, qui prendra également le nom de son principal inspirateur et animateur, François Noël Babeuf, qui, en référence à l'un des grands réformateurs de la Rome antique, prit le prénom de Gracchus. Comment cet homme de 35 ans se trouva-t-il ainsi à la tête d'une véritable organisation insurrectionnelle, quelle était la doctrine égalitaire autour de laquelle il en rassembla les partisans, c'est tout l'objet de ce nouveau livre de Jean-Marc Schiappa. Sous une forme à la fois ramassée et très accessible, sans ignorer les zones d'ombre dans le parcours de ce révolutionnaire, mais en dissipant les approximations dont il fait souvent l'objet, il restitue sa voix et sa conviction : que la Révolution ne pouvait trouver son aboutissement que dans une société où règnera l'égalité des biens et des travaux.