Baudelaire devant l'innombrable
Michel Leiris qualifiait Les Fleurs du Mal "d'irréductibles". L'oeuvre résiste à toute lecture. Pour la respecter, il faut s'affranchir des mythes qui l'entourent depuis un siècle et demi. C'est l'objet du premier chapitre. Ainsi sera-t-on ramené aux poèmes, à leur lettre irrémédiable. Au-delà, quatre chapitres examinent la récurrence d'un thème : l'éternel, l'infini, la mer, la rue - quatre variantes d'une hantise du poète : le nombre. "Tout est nombre. Le nombre est dans tout. Le nombre est dans l'individu. L'ivresse est dans le nombre", lit-on dans Fusées. Le nombre : d'un côté l'ordre, la doctrine pythagoricienne donnant accès aux règles de l'univers ; de l'autre la discorde, la mer méchante, la rue passante. Ou encore le vers, "rime et nombre", comme le définit Baudelaire : rythme, cadence, harmonie, mais aussi débordement, démesure, dissonance. Deux chapitres reconduisent enfin le temps et l'allégorie, autres obsessions liées au nombre (" - Ah ! ne jamais sortir des Nombres et des Etres ! "), aux formes qui les portent : la syncope et le non sequitur qui cassent le vers des Fleurs du Mal.