Devant mes yeux le désert
L'Occident a longtemps considéré la littérature japonaise comme l'expression d'une esthétique raffinée, d'un art de vivre délicat. Avec Terayama, la belle image de marque s'efface. Le vacarme des juke-boxes a remplacé le son grêle de la musique traditionnelle et l'éclat des néons fait oublier celui des cerisiers en fleurs. Prisonniers de leur destin misérable, conditionnés par un environnement envahissant, les héros de Terayama apparaissent dans leur nudité, leur quasi nullité. Que ce soit le garçon coiffeur qui cherche dans la boxe un remède à son bégaiement, l'homme d'affaire condamné au plaisir solitaire dans les salles obscures, le vieillard kleptomane à qui l'on propose un suicide spectaculaire, tous obéissent à la nécessité de vivre dans le paysage chaotique de la ville, dans un désert de pierre où, pourtant, se multiplient les marques de la civilisation.