Vol d'hommes
"Entre la rubrique météo qui annonçait un dimanche de Pentecôte maussade sur tout le pays et celle du tiercé gagnant à Vincennes où il fallait jouer le 4 Momo de Fursac et le 8 Biche d'Alembert, un quotidien régional titrait qu'un avion de tourisme s'était écrasé au-dessus du village de Nocé dans l'Orne, faisant deux morts.
À l'origine les coups de téléphone à l'aube d'un certain René Schlinger qui, au moment de raccrocher, murmurait d'un drôle d'air comme s'il faisait référence à une mystérieuse organisation sortie d'un album de Tintin: «C'était un attentat! Vous m'entendez, les enfants? Un attentat en représailles à celui du port d'Anvers commis par la Main Rouge!
Sans doute m'était-il plus réconfortant d'imaginer mon père assassiné par les barbouzes du Général que mort pour rien. Qu'est-ce qu'il me restait, papa, sinon des hommes dont tout ce qu'il fallait savoir s'apprenait en une nuit. En partant leurs baisers étaient légers comme des cartes postales. De l'homme qui résumait tous les autres, je ne me souvenais que d'une main ferme qui attrapait la mienne pour traverser, tandis qu'à la traîne derrière je frémissais comme un petit cerf-volant emporté par le vent." Marie Lebey