Le nez
Alors qu’il s’apprête à dévorer son pain, un barbier y découvre, lové dans la mie, un nez. L’aurait-il coupé par inadvertance à quelqu’un ? Mieux vaut dans tous les cas ne pas laisser de preuve et s’en débarrasser au plus vite. Il s’empresse de le jeter dans la rivière. Or, un commandant, qui plus est conseiller d’Etat, se réveille un matin sans nez. Soudain, il aperçoit le fugitif, logé dans un carrosse qui sillonne la ville. Ledit fugitif se dresse dans un costume brodé d’or en tout point semblable à celui d’un haut fonctionnaire… Serait-ce l’œuvre du diable ? L’inquiétude gagne le propriétaire et, avec lui, le lecteur. Derrière la description minutieuse et lucide de la vie des hommes d’Etat, derrière le jeu des apparences, le cauchemar étend son emprise sur le réel. L’humour corrosif de Gogol bat son plein. Et si le nez n’était pas le nez mais quelque autre éminence du corps mâle ? Toute vanité en serait d’autant plus bafouée.
Une des sources d’inspiration de Gogol : Tristram Shandy de Laurence Sterne, qui a lui-même pour précurseur Don Quichotte de Cervantès.