Chroniques cinématographiques
Bernard de Fallois a tenu chaque semaine, vers la fin des années 50 jusqu’en 1962, sous le pseudonyme de «René Cortade», la chronique cinématographique de l’hebdomadaire Arts, dirigé par Jacques Laurent, puis celle du Nouveau Candide. Auparavant il avait collaboré à l’éphémère Artaban.
Ces trois ensembles ici regroupés offrent un panorama du 7e Art en un temps où il était encore dominé par quelques Maîtres qui étaient déjà des classiques: John Ford, Hitchcock, Fellini, Becker, Bergman, René Clair, pour ne citer que quelques noms.
Environ 150 films sont ici résumés, analysés et jugés dans toutes leurs composantes: scénarios, musiques, dialogues, interprètes.
Pour les plus grands on trouve également dans chaque article une rétrospective méthodique des films antérieurs, avec le rappel de leurs caractéristiques essentielles.
Pour beaucoup de lecteurs, ces denses et brillantes synthèses proposaient ainsi une initiation au cinéma, en offrant de nombreux «parcours de découverte» comme l’on dit aujourd’hui. Elles fuyaient la technicité pseudo-savante, l’ésotérisme de ciné-club qui s’est parfois imposé chez les cinéphiles de profession.
Pas un instant leur auteur n’oublie que le cinéma est d’abord un art populaire tourné vers le plus grand nombre, qu’il doit plaire et qu’il doit émouvoir.
Ce sont des chroniques d’humeur où les dithyrambes alternent avec les éreintements: enthousiasme – communicatif – pour La Mort aux trousses d’Alfred Hitchcock ou encore pour La Dolce Vita de Fellini (boudé à sa sortie par nombre de savants docteurs); aversion pour l’adaptation de La Jument verte par Claude Autant-Lara, un film dont la platitude et la vulgarité parviennent à tuer l’œuvre truculente et poétique de Marcel Aymé.
À relire aujourd’hui ces chroniques, il est difficile de rester insensible à leur vivacité et à leur élégance. À leur densité également marquée par le souci de dégager avec vigueur et concision la personnalité artistique de chaque cinéaste, les hauts et les bas de sa carrière, ses leitmotive, son style, sa poésie, son humour ou sa culture – à l’occasion. Mais aussi les sentiments qu’il nous inspire.
Cette collection en apparence fort disparate, c’est l’évocation d’un Âge d’or: les paysages, les saisons et les rêves d’un temps où la télévision était encore dans l’enfance et où l’industrie de l’image n’avait pas encore dévoré le cinéma d’auteur.