Evadés: Récits de prisonniers de guerre 1940-1943
Pourquoi un prisonnier de guerre est-il fier de raconter l'histoire de son évasion ?
Parce qu'il échappe au sort collectif et retrouve une destinée individuelle. Parce qu'il refuse la passivité et retrouve l'action (pas forcément la liberté, certes, s'il a échoué, mais dans les deux cas, il a agi). Parce qu'il est le héros d'une aventure personnelle au milieu de la folie collective. Mais aussi parce qu'il devient un exemple d'héroïsme militaire sans attenter à la vie de personne. C'est une des rares circonstances de la vie où la transgression est un mérite.
Explorant les fonds de l'Association pour l'autobiographie et le Patrimoine Autobiographique (APA) concernant la Seconde Guerre mondiale, le chercheur Philippe Lejeune a été fasciné par les récits d'évasion de prisonniers de guerre.
Écrits par des hommes «ordinaires», comme le sont tous les textes déposés à l'APA, il a découvert que ce sont de véritables thrillers qui se terminent souvent comme des contes de fées : on rentre sain et sauf à la maison. Ce qui fut si difficile à vivre devient agréable à raconter des années après. «Pendant les veillées d'hiver, nous sollicitions notre père afin qu'il nous raconte son évasion, ce qu'il faisait aisément, avec modestie, écrit Étienne Gallien, en évoquant le récit de son père. C'était le mythe familial qui alimentait notre imaginaire, notre père avait une «histoire» qui le singularisait.»