Avis sur le livre : Littérature et anthropologie
Fondateur, avec Michel Leiris (1901-1990), dont il est l’exécuteur testamentaire, de la revue d’anthropologie et de muséologie Gradhiva, l’ethnologue et anthropologue Jean Jamin a fait de la littérature l’un de ses objets privilégiés. Les refus obstinés de Bartleby (dans le récit d’Herman Melville), la mort d’Ophélie (dans Hamlet), le Sud imaginaire des romans de William Faulkner sont tour à tour relus à la lumière de cette pensée anthropologique de la fiction qu’il a forgée au fil des années. Si les angles d’attaque sont variés – des lieux devenus réels du fait même de la fiction (tel, à Marseille, le cachot du comte de Monte-Cristo dans le château d’If) jusqu’aux tentatives du Collège de sociologie (1937-1939) pour saisir le sacré à même le quotidien –, Leiris constitue la figure tutélaire de ce volume, lui qui, plus que n’importe quel autre anthropologue, mêla étroitement science de l’autre et création littéraire, ainsi que l’atteste L’Afrique fantôme (1934), dont les métamorphoses éditoriales successives révèlent le caractère inclassable, entre document, récit de voyage et confession impudique. J.-L. J.
Le Monde