Littérature et anthropologie
Littérature et anthropologie ne sont pas des inconnues l'une pour l'autre, elles ont partie liée depuis longtemps avec Montaigne et les Cannibales, Montesquieu et les Persans, ou encore Rousseau et les bons Sauvages. Multipliant les perspectives, attentives aux petits faits ou à l'imaginaire des autres : elles savent se comprendre et dialoguer l'une avec l'autre selon différents registres, qu'ils soient scientifique, épique, onirique ou ludique.
Cet ouvrage joue de cette histoire et de cette proximité complice en croisant les approches : tout en constituant les oeuvres de fiction comme objets d'une enquête ethnologique au même titre que mythes, rites et croyances, il cherche à évaluer l'apport de ces oeuvres à la compréhension du fonctionnement intime d'une société, qui est le projet même de l'anthropologie.
Shakespeare, Goethe, Dumas, Büchner, Melville, Rimbaud, Segalen, Faulkner, Bataille, Leiris... sont enrôlés dans cette investigation, et permettent de repenser des approches ou des notions classiques de l'anthropologie, telles que l'exotisme, l'observation participante, la réflexivité.
Vos avis
Fondateur, avec Michel Leiris (1901-1990), dont il est l’exécuteur testamentaire, de la revue d’anthropologie et de muséologie Gradhiva, l’ethnologue et anthropologue Jean Jamin a fait de la littérature l’un de ses objets privilégiés. Les refus obstinés de Bartleby (dans le récit d’Herman Melville), la mort d’Ophélie (dans Hamlet), le Sud imaginaire des romans de William Faulkner sont tour à tour relus à la lumière de cette pensée anthropologique de la fiction qu’il a forgée au fil des années. Si les angles d’attaque sont variés – des lieux devenus réels du fait même de la fiction (tel, à Marseille, le cachot du comte de Monte-Cristo dans le château d’If) jusqu’aux tentatives du Collège de sociologie (1937-1939) pour saisir le sacré à même le quotidien –, Leiris constitue la figure tutélaire de ce volume, lui qui, plus que n’importe quel autre anthropologue, mêla étroitement science de l’autre et création littéraire, ainsi que l’atteste L’Afrique fantôme (1934), dont les métamorphoses éditoriales successives révèlent le caractère inclassable, entre document, récit de voyage et confession impudique. J.-L. J.
Le Monde